Dans le projet photo Grand Nord, le photographe montréalais Valérian Mazataud a proposé aux citoyens de Montréal-Nord de recréer des scènes de la vie quotidienne datant d’il y a plusieurs décennies. Avec l’aide de la Société d’Histoire et de Généalogie de Montréal-Nord, il a fouillé dans les archives photographiques et les albums de famille, pour y dénicher des photos de l’époque où le Nord de l’île n’était fait que de champs et de villages clairsemés.
C’est ensuite lors d’ateliers, avec l’organisme Les Fourchettes de l’Espoir, et grâce à la Maison Culturelle et Communautaire de Montréal-Nord, qu’il a reconstitué les photos, imaginant un univers à cheval entre les époques et les cultures. Au total, c’est prêt d’une centaine de participants, du Québec, mais aussi des nouveaux arrivants d’Haïti, du Salvador, ou de la Turquie, qui se sont découverts photographe, comédien, ou directeur artistique lors de ces ateliers. Les mises en scène dénotent de l’engagement du photographe à défendre une participation citoyenne dans son processus documentaire.
En ce sens, le projet Grand-Nord se distingue par sa démarche collaborative entre la communauté multiculturelle et intergénérationnelle de Montréal-Nord et l’artiste qui endosse pour la première fois le rôle de chef d’orchestre en supervisant les prises de vues pensées et réalisées avec les participants. Cette co-création parvient de ce fait à élaborer une cartographie humaine du quartier délimitée par les protagonistes eux-mêmes
En résulte une série de diptyques qui nous informe autant sur l’évolution du Québec urbain que sur la vision que portent les nouveaux arrivants sur leur société d’accueil. Cette démarche artistique qui accorde une place essentielle au citoyen dans le processus de réalisation final nous incite à nous interroger sur les canons statiques de la photographie documentaire et envisager une nouvelle approche. Le photographe n’impose plus ici seulement son point de vue, mais élargit le prisme sclérosé de l’image documentaire en incluant celui des communautés concernées.
Comme dans son précédent projet La fin de la terre, documentant les cérémonies d’obtention de citoyenneté canadienne, Mazataud propose ici une vision de l’interculturalisme et explore les stratégies développées par les communautés pour le vivre-ensemble. Dans le projet Grand Nord, ce dialogue inter-générationnel et inter-culturel nous emmène à la découverte de ce «gros village tricoté serré» qu’est le Nord de l’île de Montréal, à mille lieux des clichés trop souvent véhiculés sur la violence et la pauvreté.
L’exposition Grand Nord s’inscrit dans le cadre de VD’CLIC : Les rendez-vous de la photographie de Val-d’Or se déroulant au cours du mois de novembre 2021.