Initié en 2018 par l’artiste français Paul Duncombe, le projet Manicouagan s’intéressait à l’origine aux vestiges du cataclysme géologique qui a profondément marqué ce territoire lors de l’impact d’une météorite il y a 210 millions d’années. Il s’agit d’un des plus grands cratères d’impact visible sur terre.
Ce territoire témoigne aussi d’une occupation traditionnelle innue de plus de 8000 ans et des transformations sociales qui ont agité le Québec des années 1960. Entre 1959 et 1968, à l’embouchure de la rivière Manicouagan, qui prend sa source dans le cratère, Hydro-Québec érige l’immense barrage Daniel-Johnson. Pour le Québec, ce chantier, véritable symbole de la Révolution tranquille, représente aussi son passage de nation colonisée en quête de libération à celui de nation à la fois colonisée et colonisatrice.
L’exposition réunit le travail de six personnes invitées à arpenter, à étudier et à vivre ce territoire pendant 14 jours en 2021.
Alors que la poète et autrice innue Maya Cousineau Mollen se penche sur les blessures culturelles et la fragilité des peuples dans un contexte de colonisation,
l’écrivain québécois Louis Hamelin dévoile ce territoire sous les angles historiques, ethnologiques et écologiques.
Pour leur part, l’artiste français Paul Duncombe et le géomaticien Erwan Gavelle proposent une cartographie de la réserve écologique Louis-Babel assemblée en une série de portraits géologiques, géographiques et écologiques.
Enfin, l’exploratrice sous-marine Nathalie Lasselin invite le public dans les eaux rouges et profondes du réservoir qui cache une forêt ennoyée, vestige d’un territoire éradiqué.
L’ensemble du projet se cristallise sous le regard engagé de Kanatakhatsus Meunier, documentariste d’origine Kanienkeha:ka, qui met en lumière les traumatismes engendrés par un peuple (québécois) qui considérait cette région comme trop éloignée pour être occupée.
Ce corpus d’œuvres éclaire ce majestueux territoire témoin de bouleversement naturel, de libération sociale, de colonisation, de blessures historiques, de conflits sociaux et d’enjeux écologiques.
Éric Desmarais, commissaire